Critiques d'époque



Critiques d’époque :

Régulièrement, nous reproduisons des critiques d’albums (extraites des revues Jazz-Hot ou Jazz-Magazine) telles quelles ont été écrites à l’époque de leur sortie. C’est l’occasion de rappeler l’existence de quelques disques historiques ou marquants de certaines périodes mais aussi d’albums moins connus et d’artistes qui ont compté, pour certains parfois plus ou moins oubliés  ou  encore d'artistes  dont
nous  souhaitons  évoquer  l'oeuvre.

Sunny Murray  "Big Chief"




                                        Jazz Hot  N°250 mai 1969

Commentaire de Le Jazz Est Là :
L’auteur de ces lignes a été un admirateur (et continue d’écouter avec plaisir) le batteur souvent décrié Sunny Murray. Il a pourtant incontestablement joué un rôle décisif ( comme Milford Graves, Steve Mac Call et bien d’autres) dans la révolution du jeu à la batterie à l’époque du free, suivant la route déjà ouverte par d’autres auparavant comme Max Roach, Elvin Jones…. On le trouve dans la « révolution free » aux côtés de Cecil Taylor, Albert Ayler, John Tchicai, Archie Shepp, Alan Silva, Dave Burrell, Clifford Thornton. Dans le magnifique album ESP « Sunny Murray » enregistré en 1966, il s’entoure de Byard Lancaster, Jack Graham, Alan Silva et Jacques Coursil, album dans lequel figurent déjà le thème « Angels and Devils » (à ne pas confondre – mais il y a bien sûr un lien- avec « Witches and Devils » en 1964 par Albert Ayler) et le thème « Hilariously » qui devient « Hilarious Paris ». Installé à Paris, il rencontre des musiciens français qui se joignent à cette aventure : le pianiste François Tusques, le contrebassiste malheureusement trop tôt disparu Beb Guérin et le trompettiste Bernard Vitet. Dans la même période, en 1968, la même équipe enregistre un album lors d’un concert à l’ORTF pour le label Shandar avec le jeune Michel Portal ! Incontestablement il se passait quelque chose de fort, d’inoui, déroutant pour certains, à l’écoute de cette musique. Mais il y avait une période, un contexte qui nous poussait à réclamer ces audaces. La critique elle-même que nous reproduisons est quasiment impensable aujourd’hui. Peu importe, c’est le parfum, tant aimé de cette période que nous souhaitons communiquer.

Patrice Goujon 16 sept. 2015


Tom McClung


Si nous n’avons pas l’habitude de parler des sorties actuelles de disques, nous ferons une exception pour trois albums qui sont directement liés à l’actualité de Le Jazz Est Là.
En avril 2014, nous avons reçu le trio du pianiste Tom Mc Clung entouré du contrebassiste Matyas Szandai très actif sur la scène actuelle du jazz, non moins que le batteur Mourad Benhammou. Un concert mémorable. L’album de ce trio sorti récemment (label Archieball) vient d’être salué par la critique.


Présentation sur le site du club parisien le Sunset où le trio s’est produit en mars 2015 :
«  Le bien nommé « Burning Bright », nouvel album du pianiste Tom McClung, dévoile dix de ses compositions et une reprise d'un classique de Mal Waldron, « Fire Waltz ». Le Feu, l'Eau, la Terre et l'Air, sont l'âme de ces morceaux. Ce nouveau disque en trio montre Tom McClung dans ses multiples explorations. Ses mélodies et ses rythmes sont contagieux, ses improvisations hardies. La musique originale de Tom Mc Clung reflète son admiration pour les compositeurs et musiciens comme Thelonious Monk, Duke Ellington, Charles Mingus, et John Coltrane. La section rythmique est composée du bassiste hongrois Mátyás Szandai et du batteur franco-algérien Mourad Benhammou. Les trois partagent le même respect pour l'héritage de la musique noire-américaine. Ce trio international est l'expression même d'une liberté aux racines puissantes et profondes ».  


Ichiro Onoe

Le magnifique concert du quartet de Katy Roberts que nous avons reçu en juin dernier (2015) a été l’occasion d’écouter le jeu subtil du batteur Ichiro Onoe. Connu pour ses nombreuses collaborations, sideman très demandé, il sort en le premier album sous son nom recevant d’emblée de nombreux éloges.

Commentaires sur le site France-Musique « Open Jazz »
Le batteur Ichiro Onoe a décidé de dévoiler au travers de son premier CD “Wind Child” ses compositions personnelles qui ont été écrites tout au long de son itinéraire musical. Il s’est nourri de styles différents et d’influences harmoniques nombreuses des musiciens prestigieux tels que John Coltrane, Charles Mingus, Wheather Report, Bob Mintzer qu’il affectionne particulièrement.
Il a choisi de s’entourer des trois musiciens talentueux qui forment son quartet: Geoffroy Secco (saxophone ténor), Ludovic Allainmat (piano), Matyas Szandai (contrebasse). Ichiro Onoe vit à Paris depuis 17 ans et s'est déjà produit aux côtés de Bobby Few, Peter King, Ricky Ford, Frank Lacy, Chris Cheek, Bruno Angelini, Philippe le Baraillec, Ronnie Lynn Patterson, Olivier Ker Ourio, Andy Narell, Manolo Badrena…
Ichiro Onoe aime également accompagner les chanteurs et chanteuses tels que Mina Agossi, Joe Lee Wilson et dernièrement Jane Birkin sur sa tournée de 2011 à 2013. Sa grande sensibilité musicale et son jeu fin et mélodique sont particulièrement appréciés par ces artistes, l’essentiel pour lui consistant à apporter une authentique couleur rythmique à des projets musicaux d’univers différents.
Au Japon il a longtemps accompagné la chanteuse Yasuko Agawa, avec laquelle il enchaîna tournées et télévisions. Il s'y produit également aux côtés de personnalités comme Ron Carter, Nick Decaro, Norman Simmons et Makoto Ozone. Et c’est après une longue carrière de sideman dont il dit le plus grand bien, tant il a aimé ajouter sa pâte au jeu de ses compagnons, qu’il a ressenti l’envie de réaliser son propre projet discographique, "Wind Child" dont les morceaux sont à son image, singuliers et éclectiques, véhiculant les émotions et les couleurs de sa vie. Ce titre est d’ailleurs le premier morceau qu’il a composé au Japon et reflète les émotions de son enfance…
sorti en"... 2014 (Label Promise Land)


René Bottlang et Andy Mc Kee
      Le Jazz Est Là reçoit à nouveau le duo René Bottlang/Andy Mc Kee les 10 et 11 juillet 2015 profitant du passage exceptionnel en France du contrebassiste. Ils viennent d’enregistrer l’album « Autum in New-York », séance new-yorkaise en compagnie de grandes figures de la scène internationale : Billy Hart batterie et Oliver Lake saxophone auxquels se joint sur quelques titres le guitariste Vic Juris. (Label ajmiseries).
( photo pochette 3 Bottlang..)
Chronique CD Jazz-Hot .net  par Serge Baudot
Ah ! le son de ces gars-là ! Ce sont des amoureux du beau son, de grands improvisateurs se jouant des plus grandes complexités harmoniques, s’en jouant et les jouant comme si c’étaient des chansons. Des musiciens traversant le free avec quelque chose à jouer, peu intéressés par les prouesses techniques, et pourtant leur technique est grande, justement ; elle reste au service de l’expression.


Dans ce disque on a affaire avec des duos, des trios, des quartettes, des quintettes. C’est donc un groupe à géométrie variable, mais le disque est construit comme une œuvre totale, chaque morceau en étant, en somme, un mouvement, pour comparer avec la musique classique.
On entre dans l’œuvre par « Loulou Opus 1 », une improvisation collective des cinq musiciens, et d’emblée on est pris, improvisation si pleine et si expressive qu’on pourrait la croire écrite. On retrouve le côté minimaliste de Bottlang avec sa force expressive, le gros son, la puissance de Lake, si bien que son alto sonne comme un ténor, la pureté et l’inspiration de McBee à la contrebasse, les envolées fluides de la guitare de Juris, et le soutien au cordeau de la batterie de Billy Hart qui donne toute sa respiration au groupe. C’est parti ! Il n’y a plus qu’à se laisser emmener.
« Allergie » est un trio avec une pulsation endiablée ; Bottlang a mis un tigre dans son piano, une main gauche époustouflante derrière une droite rebondissante. « Mélodie Quantique » est un splendide duo en contrepoint piano-contrebasse. « Exibit A » en quartette dans un fonctionnement free avec la basse qui assure la pulse, et le guitariste qui part dans des envolées fulgurantes. « Softly » autre duo basse-piano à fendre l’âme, l’entente basse-piano est exemplaire. « Infusion », duo piano sax : des choses à exprimer dans la beauté des sons. « Time Like This », allusion au « Tie Like This » d’Armstrong ? un quartet avec section rythmique et sax, les allées dans le grave du piano vous donne le frisson. « Transfusion » est un duel piano-guitare, et c’est la musique qui gagne. « If not Now » est peut-être le plus beau morceau du disque. C’est un duo basse-piano C’est une sorte de barcarolle, la beauté sublimée dans un chant à deux voix. « Crazy Eights » en quartet, section rythmique et sax, morceau ancré sur un ostinato rythmique et typique du blues : un lyrisme fabuleux, à fondre de plaisir. Dans « Loulou Opus 2 » improvisation du groupe au complet, avec les mêmes qualités que « l’Opus 1 ». Sur « Crossover » la guitare et le piano sont en dialogue convergeant, avec un batteur aux anges qui fait de la musique avec ses tambours et cymbales à l’unisson de ses collègues, et un sacré contrechant de la contrebasse. Le disque se termine par un nouveau duo piano-contrebasse, « Skyline Blues », un blues pris sur un rythme tango ; une expression harmonique confondante de beauté. Et les échappées chères à Bottlang. Vive le tango-blues !
La multiplicité des formations donne à priori de la variété, ce qui en soit serait mineur, mais l’unité de l’œuvre est parfaite. Un souffle afro-américain, même si tous les musiciens ne sont pas issus de cette communauté. Plus qu’un « Automne à New York » c’est un printemps du jazz. 






DON CHERRY





                                                                                      Jazz Hot N°270 mars 1971


COMMENTAIRE DE LE JAZZ EST LA :
Le duo Aymeric Avice (trompette, bugle) et Avreeayl Ra (batterie) qui s’est produit dans plusieurs villes de France et à Nîmes (vendredi 10 avril 2015) a sans doute ravivé chez les connaisseurs et les plus anciens le souvenir du célèbre duo Don Cherry /Ed Blackwell. Sans se livrer bien sûr aux comparaisons, cette formule plutôt rare et difficile a provoqué à Nîmes (et sans doute ailleurs) une émotion forte. Ce genre de duo est rare dans l’histoire du jazz : on peut citer un duo Lester Bowie (de l’Art Ensemble de Chicago) avec Philipp Wilson, un duo Léo Smith /Jack de Johnette et peu d’autres choses. Le duo Don Cherry/Blackwell gravé en 1969 ne fut pas une expérience éphémère. Les deux acteurs de ce duo, bien connus par les amateurs pour leur longue collaboration avec Ornette Coleman, se produisirent ensemble durant plusieurs années ce qui permit à l’auteur de ces lignes de les écouter en direct en 1978 grâce à Rouen Jazz Action. La musique en direct livrait bien sûr une grande intensité, réjouissons-nous de l’album aujourd’hui (quand on le trouve) qui nous offre une musique forte sans effets ni démonstration bien que techniquement complexe. Et c’est bien là la force de la réunion de deux grands, l’un baguettes en main, l’autre avec le souffle, nous invitant à partager leurs émotions.


Patrice Goujon 11 avril 2015





Short Tales


COMMENTAIRE DE LE JAZZ EST LA :
Suite à l’article « de Frank Lowe à Bernard Santacruz » (notre rubrique article), voici la critique de l’album « Shorts Tales » parue dans Jazz Magazine N°406 juil/août 2000. Aboutissement d’une collaboration annoncée, l’album, outre les compositions remarquables des deux interprètes, nous offre aussi quelques arrangements de compositions d’autres musiciens qui contribuèrent à la construction de ce courant musical et dont nous partageons l’admiration : « Jabulani » de Dollar Brand, « Mopti » de Don Cherry, le magnifique thème (presque son hymne) que jouait régulièrement à toute force tout l’orchestre de Sun Ra « Watusi Egyptian March » et enfin « Bass Space » de Denis Charles avec une intro à la contrebasse bourrée d’émotion. Une musique exceptionnelle qui avançait dans l’ombre des courants dominants, trop souvent méconnue, trop souvent oubliée.

Patrice Goujon le 17 janvier 2015



Jazz-Magazine N°506 juil/août 2000




Escalator over The Hill



COMMENTAIRE DE LE JAZZ EST LA :
Plusieurs de nos amis musiciens (Bernard Santacruz, Jean Aussanaire, Perrine Mansuy, Bruno Tocanne…) ont tout récemment mis sur pied un programme « Over The Hills » inspiré par le célèbre album « Escalator over the Hill » (1971) que Carla Bley et Paul Haines réalisèrent après un travail de près de 3 ans réunissant nombre de musiciens parmi les plus avant-gardistes de l’époque. Du coup, l’envie était forte de ressortir la critique de l’époque de cet album et cela pour plusieurs raisons. D’abord le fait que des musiciens d’aujourd’hui se réfèrent à cette œuvre qui compta beaucoup pour les amateurs qui ont connu cette période est réjouissant. Contrairement à ce qu’affirme Jean Robert Masson, inconditionnels de Shepp, Taylor ou autres, nous étions intéressés par cette création, de la même façon que nous avons suivi par la suite les grandes formations modernes de l’époque : Willem Breuker Kollectief, Globe Unity Orchestra, Brotherhood of Breath de Mc Gregor et le trop oublié Mike Westbrook Orchestra qui enregistra le fameux « The Cortège » triple album avec un orchestre de 16 musiciens ponctuant cette longue suite musicale avec des textes de Frederico Garcia Lorca, William Blake, Arthur Rimbaud... La présence dans « Escalator over the Hill » de nombre de musiciens que nous admirions était forcément intrigante.
Disons donc tout de suite que nous ne partageons pas tout ce qui fut écrit dans cette critique. Néanmoins certaines remarques sont justifiées et d’une certaine façon confirmées par les propos de Carla Bley elle-même dans une interview fort intéressante aux « InRocks » en 1998 à la suite de concerts donnés pour la première fois sur scène avec ce programme. Carla Bley y explique en toute modestie et sincérité : «  Je préfère cette œuvre sur scène qu’en studio. Il faut dire et répéter que la conception et l’enregistrement se sont étalés sur cinq ans et que par conséquent la pièce souffrait d’une sorte de morcellement » Elle précise : « Si Escalator possède une dimension politique et historique, c’est pour les autres. Pour moi, c’est avant tout une pièce de musique. Quand je me suis retrouvée à New-York au tournant des années 60 et 70, je n’avais aucune conscience de vivre une époque décisive. Je n’entrevoyais même pas la portée politique, révolutionnaire de ce que nous faisions. J’essayais simplement d’écrire de la musique aussi bien et aussi sincèrement que je le pouvais. J’étais d’ailleurs une des rares à ne pas saisir cet aspect des choses, et Paul Haines, lui, savait très bien la portée de son engagement et la valeur de son combat aussi artistique que politique. Moi, c’est une dimension qui m’a toujours échappé ».
En 1964 Bill Dixon fonde la Jazz Composer’s Guild (sorte de coopérative musicale) après une série de concerts sous le nom d’October Revolution in Jazz. Avec Carla Bley et Mike Mantler un 1er enregistrement a lieu sous le nom de Jazz Composer’s Orchestra en 1965, puis Jazz Composer’s Orchestra Association en 1966. Le contexte amène les musiciens à s’organiser en sorte de collectif, les rencontres permettant du même coup de construire un véritable laboratoire de création. On y trouve (dans les albums bien rares aujourd’hui du JCOA) : Cecil Taylor, Don Cherry, Pharoah Sanders…. Ce n’était pas pour faire une belle affiche, mais le reflet d’une mouvance forte qui existait et qui regroupait tous les acteurs de la nouvelle scène du jazz. « Escalator Over The Hill » est le 3ème enregistrement du JCOA composé et dirigé par Carla Bley associant plus de 30 musiciens. Elle expérimente des voies nouvelles, s’ouvre aux différentes influences et bouscule peut-être du coup les voies qu’on pensait toutes tracées.
La critique de 1972 mérite aussi de mettre en valeur l’intérêt que pouvait susciter la sortie d’un tel disque dans la presse spécialisée. Critique sur plus d’une page et ce n’était pas rare. Sans compter qu’il n’y est pas seulement question de musique : l’analyse se veut sociologique, politique… les références à d’autres acteurs et courants de la période sont nombreuses. Deux critiques et pas des moindres : Alain Gerber et Jean-Robert Masson s’attèlent à la tâche. Qu’on le veuille ou non : l’album est un évènement dès sa sortir et avec les années il devient un album historique. Tous les musiciens qui y participent (soulignons que la plupart avaient moins de 30 ans) ont mené ensuite chacun à leur façon leur carrière, à commencer par Carla Bley elle-même, probablement fortement marqués par cette expérience inédite qui forgea une forte complicité entre des musiciens qui en tout cas brandissaient le drapeau de l’esprit collectif.

Patrice Goujon le 2 nov. 2014






 Jazz-Magazine  N° 204 oct. 1972


      Au risque de paraître un peu longs, nous invitons quand même les plus courageux ou curieux à continuer avec la critique de Jazz-Hot de la même époque qui consacrait un magnifique numéro à Carla Bley et au JCOA. Lira qui veut. Mais la comparaison des deux critiques permet d'observer comment à l'époque était considérée la sortie de tels albums qui échappaient aux rouages des circuits commerciaux, mais comment aussi avec la même passion on pouvait dire des choses très différentes.



Jazz-Hot N°281 mars 1972


 Carla Bley et Paul Bley en 1964 


Don Cherry


COMMENTAIRE DE LE JAZZ EST LA :
Comme nous l’avions signalé dans notre article sur Charlie Haden et Don Cherry, voici les critiques de l’époque de deux albums remarquables de Don Cherry, même si Edouard-Charles Laurent, l’auteur de la 1ère critique, semblait « désorienté ». On ne peut bien sûr se contenter d’une seule écoute, ni d’une écoute rapide de cet album qui se présente plutôt comme une longue suite. Nous préférons donc le texte original de présentation par A.B. Spellman au dos de l’album Blue Note qui souligne mieux l’importance de cette « Symphony for Improvisers ». L’auteur de ces lignes en a fait des écoutes répétées, avant d’en démêler toute la complexité et la construction, dégustant aujourd’hui encore les interventions (qui ne se limitent pas à celles de Sanders) de tous les intervenants, musiciens de renom. Barbieri y est toujours aussi lyrique et déchirant, Blackwell y développe son jeu exceptionnel, Grimes et Jenny Clark soutiennent l’ensemble de façon permanente et celui qu’on retrouvera avec plaisir dans l’autre album : Karl Berger, complète la tonalité d’ensemble par le son vif du vibraphone. Il n’y a pas de « versatilité », Don Cherry avance, construit, invente avec les autres des voies nouvelles mettant plus que jamais en relief le son unique qu’il avait au cornet. Peut-être ce qui l’amène peu de temps après à produire « Eternal Rhytm » pour lequel l’enthousiasme de Jacques Renaud nous convient davantage. Là encore le nom de tous les acteurs est éloquent. A noter en particulier la présence de Joachim Kühn, de Jacques Thollot, d’Aril Andersen et du trop peu connu Eje Thelin (qui se produisit aussi avec le saxophoniste Jo Maka). Jacques Renaud termine « un disque essentiel », rajoutons : deux disques essentiels !

Patrice Goujon le 17 août 2014



                                                    Jazz Hot avril 1968 (auteur : E-C. L.)





              Jazz Hot juil/août 1969 (auteur Jacques Renaud)





Yusef Lateef





COMMENTAIRE DE LE JAZZ EST LA :

A l’occasion de la venue de Tom Mc Clung à l’Ever’in, nous avons évoqué sa collaboration aux Etats-Unis avec Yusef Lateef avec qui il enregistre « Earth and Sky » en 1997, « Full Circle » en 1996…. Comme le souligne déjà la critique de 1974 de Maurice Cullaz, ce musicien fut très sous-estimé particulièrement en France. Décédé récemment en décembre 2013, alors qu’il s’était encore produit quelque temps auparavant, ce musicien reste assez inconnu de nombre d’amateurs.
 C’est pourquoi nous diffusons, avec le grand plaisir d’évoquer sa mémoire, la critique que firent du même album à un mois d’intervalle les 2 revues de l’époque : Jazz- Magazine et Jazz-Hot. Jacques Réda déplore en 1974 la réédition en double album vinyl, une sorte de compilation donc, c’était sans compter avec ce qui nous attendait plus tard avec les CD. Avec le recul, cette réédition est sans doute un album qu’on aimerait, malgré tout, volontiers trouver dans les bacs des disquaires aujourd’hui, les autres albums étant encore plus rares. 
Yusef Lateef fut multi-instrumentiste (jouant par exemple de cet instrument égyptien : l’argol ou arghoul) sans doute l’un des précurseurs de l’introduction de la musique orientale dans le jazz. Ceux qui l’entouraient menèrent une carrière de renom comme ici Ron Carter, Clark Terry, Joe Zawinul….

 A signaler au milieu d’une vaste discographie : « The Centaur and the Phoenix » 1960 ou le célèbre « The Dreamer » 1969, sans oublier dans « Eastern Sounds » 1961 « Love theme from « Spartacus » tiré du film de Stanley Kubrick « Spartacus » interprété par Kirk Douglas, film inspiré du magnifique roman du même nom d’Howard Fast. Signalons que ce thème fut également interprété par Ahmad Jamal.


Patrice Goujon le 21 avril 2014






















Jazz-Magazine janv. 1974 N°218





Jazz-Hot février 1974 N°302


Max Roach


    Lors de notre récent concert avec « The Turbine », les connaisseurs auront reconnu en début de 2ème partie l’hommage rendu au maître de la batterie, Max Roach, à travers une longue citation d’une partie de son solo du célèbre album « Drums Unlimited » dont nous livrons ici la critique publiée en février 1969 dans Jazz-Hot (N°247). Si l’auteur de la critique émet quelques réserves sur la partie orchestrale, un autre critique dix ans plus tard (Michel Boujut) dans le N°276 de juin 1979 de Jazz-Magazine, semble avec le temps avoir pu mesurer à sa juste valeur, lors de sa réédition, cet album qu’on peut considérer comme historique. On connaît à présent également le renom de tous les musiciens signalés dans cet enregistrement.











COMMENTAIRE DE LE JAZZ EST LA :

Difficile d’évoquer toute la carrière de ce musicien symbolisant toute l’histoire de la batterie dans le jazz moderne et artisan de l’histoire du be-bop. Cette modernité, elle est déjà dans le célèbre quintet formé avec Clifford Brown en 1955, collaboration écourtée malheureusement par un accident qui coûta la vie en 1956 au trompettiste. Modernité et engagement en 1960 « We Insist » avec la « Freedom Now Suite » avec sa compagne de l’époque, la chanteuse Abbey Lincoln, radicalement engagés tous deux dans le « Civil Rights Movement ». En 1961, c’est « Newport Rebels » avec Mingus, Dolphy, Jo Jones, Eldridge qui bousculent les codes établis. « Money Jungle » en 1962 réunit trois géants au parcours différent pour un album historique : Charlie Mingus, Duke Ellington et Max Roach. Roach continue sa voie, à sa façon, s’entourant souvent de jeunes musiciens dont il révèle le talent. Les courants et modes s’enchaînent, mais Max Roach reste novateur, avant-gardiste. Il peut se produire en solo sur scène attirant un large public époustouflé. Plus tardivement, la vague « free » ne lui pose aucun problème : il enregistre et se produit en duo avec Archie Shepp (« Full Force »1976 ou « Long March » 1979), avec Anthony Braxton « Birth and Rebirth » en 1979 ou encore avec Cecil Taylor en 1979. Son parcours exceptionnel marqué par des collaborations avec tous les grands du jazz, est reconnu par tous et sa fidélité aux idées aussi. Nous invitons donc le public d’aujourd’hui à aller s’intéresser de près à toute son œuvre.


Patrice Goujon pour Le Jazz Est Là 01 mars 2014






 Art Ensemble of Chicago "People in Sorrow"






 critique people in sorrow  Jazz-Hot N°260 avril 1970

COMMENTAIRE DE LE JAZZ EST LA :

La venue de Hamid Drake et Harrisson Bankhead, musiciens de Chicago, pour notre concert du 21 février « The Turbine » nous amène bien évidemment à évoquer tout ce mouvement musical qui s’est développé autour de l’AACM (Association for the Advancement of the Creative Musicians) créée en 1965, entre autres, par le pianiste Muhal Richard Abrams. Sorte de coopérative musicale regroupant de jeunes musiciens qui devaient s’organiser face au système oppressant et répressif (à l’époque de la lutte pour les droits civiques, des révoltes des ghettos noirs, du mouvement de Malcom X et d’Angela Davis) afin de développer leur musique en dehors des grosses structures officielles imposant leurs critères. Musique de liberté donc, free jazz !

De nombreux musiciens se retrouvèrent dans cette structure : Anthony Braxton, Jack de Johnette, Henry Threadgill, et bien d’autres. Une formation émergera particulièrement de cette mouvance : l’Art Ensemble of Chicago avec le trompettiste Lester Bowie, les saxophonistes Roscoe Mitchell, Joseph Jarman et le contrebassiste Malachi Favors. Tout récemment arrivé en Europe en 1969, le groupe enregistre l’album « People in Sorrow » à Boulognes Billancourt le 7 juillet 1969 chez Pathé Marconi. Chaque concert est un évènement : multi-instrumentistes, nombreux instruments de percussion, visages grimés, humour et gravité, modernité extrême et évocation souvent humoristique mais respectueuse de la tradition, les concerts sont bouleversants sans parler du talent particulier de chaque musicien. En 1970, le batteur et percussionniste Famoudou Don Moye se joint au groupe. Sa frappe, très influencée par les rythmes africains, donne au groupe une tonalité toute particulière. Bien d’autres albums seront enregistrés par cet ensemble qui a parcouru le monde avec…. une séance dans les Arènes de Nîmes en 1980.
La venue de ce groupe en France à cette période est si forte qu’une rencontre se produit au Théâtre du Vieux Colombier avec la jeune chanteuse….. Brigitte Fontaine qui enregistre alors l’album « Comme à la radio » avec autour quelques personnes dont on ne peut évoquer le nom sans quelque émotion : JF Jenny Clark, Areski…

Aujourd’hui, Lester Bowie, Malachie Favors ont malheureusement disparu. Don Moye (invité par Le Jazz Est Là en 2012) continue de se produire comme par exemple dans le récent « Attica Blues » d’Archie Shepp. Le mouvement de Chicago continue d’exister avec bien d’autres musiciens, tous animés par l’esprit de ce qui fut appelé la « Great Black Music » comme par exemple le trompettiste que nous avons récemment reçu : Rasul Siddik qui fut membre du « Black Artist Group ». Hamid Drake et Harrisson Bankhead que nous recevrons prochainement sont de cette même « famille » musicale.

Patrice Goujon 7 février 2014



   critique comme à la radio   Jazz-Hot  N°264 sept.1970
Bobby Few









COMMENTAIRE DE LE JAZZ EST LA :
Si nous avons invité à plusieurs reprises le pianiste Bobby Few, c’est bien parce qu’il a toute l’histoire du jazz dans les doigts et un style qui lui est propre déjà mis en évidence dans l’album qui fut chroniqué par Serge Loupien dans le N° 264 de Jazz Magazine (Mai 1978). La chronique est assez brève, mais comme le signale l’article le pianiste venait d’être interviewé en février 78 dans le même magazine sous le titre : « Premier solo ». Des solos, il y en aura d’autres, tout aussi remarquables (« Mysteries » en 1992, « Lights and Shadows en 2004…) au milieu d’une discographie impressionnante qui débute avec un enregistrement aux côtés de Booker Ervin en 1968 et Albert Ayler en 1969. En plus de ses propres albums, Bobby Few enregistre avec les compagnons de route, fidèles amis, certains malheureusement disparus aujourd’hui : Frank Wright, Noah Howard, Archie Shepp, Joe Lee Wilson, Sunny Murray, Steve Lacy, Sonny Simmons, Jo Maka et Rasul Siddik avec lequel il se produira lors de notre prochain concert. Sans parler de tous les musiciens qu’il a côtoyés lors de ces enregistrements : batteurs, contrebassistes… de renom. C’est de tout cela dont s’est nourri le jeu du pianiste qui dans l’album de 1977 en livrait déjà les tendances fondamentales et savoureuses !

Patrice Goujon 18/01/2014


CHRIS MC GREGOR : « Brotherhood of Breath »




COMMENTAIRE DE LE JAZZ EST LA :

Comme nous l’avons promis dans l’article « Jazz et Apartheid », voici une critique de Janv. 1974 de Jazz-Hot N°290 qui avait consacré une page à cet album de Chris Mc Gregor alors installé à Londres et peu connu dans le reste de l’Europe. Cette musique peut s’écouter sur Internet, nous vous conseillons vivement d’y jeter une oreille, à moins de réussir à vous procurer cet album rare ou quelques autres tout aussi merveilleux dans lesquels on retrouve plusieurs des musiciens cités dans l’article, fidèles compagnons de route qui finiront par tourner avec succès en Europe et ailleurs. Mc Gregor s’installera d’ailleurs dans le sud de la France dans les années 70, décédant malheureusement en 1990 à l’âge de 54 ans. La lecture de cet article est l’occasion d’évoquer la mémoire de musiciens qui tinrent tous une place importante dans le jazz très bouillonnant de cette période et qui n’eurent pas toujours la reconnaissance pourtant bien méritée.






Tony Williams




COMMENTAIRE de LE JAZZ EST LA :
A l’occasion de l’hommage rendu par le quintet de Joël Allouche à Tony Williams (pour notre concert du 6 déc. 2013), nous avons sélectionné la critique d’un album certainement moins connu que bon nombre d’albums de sa discographie ( Second quintet Miles/V.S.O.P./Lifetime…..). L’album enregistré en septembre 1989 est chroniqué dans la rubrique « Five Spots » de Jazz-Hot qui, en plus, des critiques habituelles, soumettait 5 disques reflets de l’actualité à la critique de trois journalistes. Cet album fait partie des derniers de sa carrière malheureusement écourtée par son décès brutal en 1997. Tony Williams avait encore bien des choses à dire et il s’entourait alors de musiciens dont le talent s’imposera par la suite. Notons, entre autres, la présence de Wallace Roney, Mulgrew Miller (disparu en mai de cette année 2013) et d’Ira Coleman. L’unanimité des trois critiques confirme bien l’ampleur du talent de ce batteur qui a dû marquer profondément nombre de jeunes musiciens comme ce fut le cas pour Joël Allouche.



                                                               Jazz-Hot N°474 mai 1990


Michel Petrucciani







COMMENTAIRE DE : LE JAZZ EST LA
La venue du très jeune Tristan Mélia pour notre concert du 15 nov. 2013 nous fait penser à nombre de musiciens devenus célèbres qui ont dû eux aussi bien sûr passer par l’étape du démarrage, de l’acceptation, de l’émergence sur la scène jazz déjà occupée par d’autres talents de leur époque ou de l’histoire. Lorsque Michel Petrucciani enregistre ce qui est quasiment son premier album, il a 19 ans. Inconnu du grand public, loin de la scène parisienne, il est néanmoins repéré par quelques critiques et surtout entouré de musiciens (qui eux aussi acquerront une grande notoriété) qui n’ont pas hésité à collaborer avec ce musicien débutant. Pour cet album, en 1981, il est entouré du célèbre batteur Aldo Romano et du très regretté, immense contrebassiste, Jean-François Jenny Clark L’influence de Bill Evans (entre autres) est présente chez le jeune Petrucciani de l’époque et le jeune Mélia d’aujourd’hui. Sans parler du port du chapeau qu’ils affectionnent l’un et l’autre. Pour ceux qui ont déjà entendu Tristan Mélia lors de nos concerts, quelques phrases de la critique auront probablement une résonance particulière. En tout cas, l’immense talent du pianiste est clairement établi dès 1981. La première critique évoque l’attente d’un album solo. Nous nous faisons un plaisir de vous livrer également la critique de cet album solo qui sera effectivement enregistré un an plus tard. Si certains critiques avaient un peu fait la fine bouche, ceux de cet article du N°405 de Jazz-Hot en Nov. 1983 rétablissent les choses, sans doute au regard du succès grandissant du pianiste lors de ses concerts. On sait quelle place a occupé, par la suite, Michel Petrucciani sur la scène internationale, se produisant aux côtés de musiciens prestigieux et bouleversant le public après chaque prestation.



Charlie Parker





Les disques de Charlie Parker : une œuvre colossale !

COMMENTAIRE de Le Jazz Est Là :
Le concert du 27 sept. 2013 « Looking for Parker » nous donne envie d’évoquer la mémoire de celui qui fut l’un des acteurs essentiels de la révolution bop. Mais Parker est décédé en 1955 et nous ne disposons pas de critiques de l’époque. Il y a eu bien sûr de nombreux textes et critiques sur les rééditions. En extraire une seule au milieu de tout ce qui a été fait paraît bien délicat. Par contre signalons pour les chercheurs de pièces rares le magazine Jazz-Hot de mars 1965 (dont nous avons extrait les 2 images précédentes) qui, à l’occasion du 30ème anniversaire de la revue, dédiait son N°207 à la mémoire de Charlie Parker. On y trouve plusieurs pages d’une discographie commentée des enregistrements publics, par Michel Delorme, rédacteur de l’époque. Tous les noms qui apparaissent dans les différentes formations (comme dans les documents que nous présentons ici) « rafraîchissent » la mémoire sur tous ceux avec qui Parker collabora et qui furent eux-mêmes acteurs de la révolution musicale en marche.
L’un des ouvrages qui retrace parfaitement l’itinéraire du Bird et l’atmosphère particulière de l’époque est sans doute le « Bird, la vie de Charlie Parker » de Ross Russell (qui fut intime de Bird) traduit de l’américain par Mimi Perrin et dont la préface en 1979 écrite par celle qui partagea un moment sa vie avec Parker, Chan Parker, commence ainsi : « Les livres commerciaux qui surgissent immanquablement après la mort d’une personnalité ont eu le temps de paraître depuis le décès de Charlie Parker en 1955. Ils ne contenaient que des commentaires et des anecdotes sans intérêt. A présent, voici Bird, la vie de Charlie Parker, une biographie bien documentée écrite par Ross Russell. On y trouvera une étude attentive et approfondie des époques et des lieux qui, par leur conjonction, ont influé sur la vie et l’œuvre de l’homme qui a bouleversé la musique en Amérique. » Chan Parker signale quelques erreurs confirmant par là même la justesse et la vérité du récit.

Sonny Rollins








COMMENTAIRE de LE JAZZ EST LA :
Cet album est la dernière session d’enregistrement des années 60 avant une pause du saxophoniste de trois années. Rollins a d’ailleurs quitté la scène à plusieurs reprises au cours de sa carrière. Aujourd’hui, âgé de 84 ans, c’est sa santé (gêne respiratoire affectant son jeu) qui le contraint à annuler les concerts prévus jusque fin 2013 (dont un à l’Olympia), bien décidé à revenir en 2014. Celui qui joua avec Coleman Hawkins dans le formidable « Sonny meets Hawk ! » ou avec Don Cherry « Our Man in Jazz » s’entoure ici (en 1966) de musiciens coltraniens prenant lui aussi une place déterminante dans le courant post-parkérien . Cet album chez« Impulse » (arrivé plus tard en France) avait fait son effet à sa sortie comme en témoigne la critique de Alexandre Rado.
JAZZ-HOT mars 1968 N°239



Andrew Hill




COMMENTAIRE de Le Jazz Est Là :
Le remarquable concert avec le trio Jobic le Masson nous a donné envie d’évoquer le nom d’Andrew Hill, l’une des influences revendiquée du pianiste. Malheureusement nous ne disposons que d’une critique de la réédition en 1990. Ce pianiste, mal connu, né en 1931, fut pourtant « l’un des héros de jazz des années 60 » (New-York Times) enregistrant notamment pour le célèbre label Blue Note. Sa musique a défié toute catégorisation jusque dans ses derniers enregistrements comme dans « Time Lines » (avec le trompettiste Charles Tolliver). Dans « Point of Departure » comme dans bien d’autres albums, il est entouré de musiciens qui ont marqué l’histoire du jazz : John Gilmore ou Joe Chambers dans « Andrew !!! » (1964), Sam Rivers dans « Change » (1966). A noter le coffret édité chez Mosaïc consacré aux sessions Blue Note entre 1967 et 1970 : on le trouve aux côtés de Ron Carter, Cecil Mc Bee, Pat Patrick, Paul Motian…Magnifique ! Un « petit maître » qui méritait la place des grands !


Abbey Lincoln



COMMENTAIRE de Le Jazz Est Là :
En présentant le concert du 15 juin avec Alain Jean-Marie, nous avions mentionné ce célèbre album auquel le pianiste a participé. Tous les musiciens qui entourent ici Abbey Lincoln sont prestigieux. A commencer par Charlie Haden compositeur du thème « First Song » qu’Alain Jean-Marie a interprété lors du concert.
Depuis sa complicité avec Max Roach, Abbey Lincoln fut toujours une chanteuse combative, fortement engagée dans le combat des Noirs aux Etats-Unis. Dans le N° 488 de Jazz Magazine (janv. 1999), elle raconte : « C’est Bob Russell (un compositeur), connaissant mes idées, qui m’a surnommée Abbey Lincoln... Il m’a surnommée Abbey Lincoln en disant – Peut-être pourras-tu libérer les esclaves, puisqu’Abraham Lincoln n’y est pas arrivé. » Après un voyage en Afrique avec Myriam Makeba, on l’appelle aussi « Aminata Moseka » comme cela est signalé dans l’excellent album « Painted Lady » (1980) disponible chez Futura Marge dans lequel elle est, entre autres, aux côtés d’Archie Shepp. (Ce CD peut être commandé auprès de Le Jazz Est Là)


Charles Mingus




Changes One : Remember Rockfeller at Attica / Sue's changes / Devil blues / Duke Ellington's sound of love. Mingus (b), Jack Walrath (tp), George Adams (ts, voc), Don Pullen (p), Dannie Richmond (dm). New York, 1974. Atlantic Sd-1677.
Changes Two : Free cell block F, 'tis nazi Usa / Orange was the color of her dress, then blue silk / Black bats and pô les / Duke Ellington's sound of love* / For Harry Carney. Les mêmes + (*) Marcus Bel-grave (tp), Jackie Paris (voc). Atlantic Sd-1678.
A propos de tant de séances Blue Note, nous re marquions récemment, Mes sieurs (les dames s'en fou tent), à quel point certaines formules instrumentales de venues trop routinières finis sent par ériger cette routine en loi, et par frapper d'une lourde amende ceux qui cher chent courageusement à les en sortir. C'est qu'il ne suffit pas du courage, ni de l'audace, ni d'une volonté elle-même enroutinée de tout met tre en l'air. Il faut l'espèce de distraction, de côté au-dessus-de-ça-malgré-soi qu'il y a dans le génie. Ainsi Min gus, réattelant la rythmique à la trompette et au ténor, paraît remonter tout simple ment dans le vieux train hard-bop, mais on a compris qu'il fonce droit ailleurs dès avant la sixième mesure (ce quintette sonne parfois — quand c'est nécessaire — comme un big band), ba layant comme autant de jour naux de la veille et d'enve loppes de sandwiches de buf fet de gare (sans beurre) ceux qui étaient venus l'at tendre au Terminus. Et où va-t-il ? Est-ce que je sais moi, il dessert toujours ses contrées, même réseau, autre circuit. Mais avec une fameuse équipe. Là ne pas dire ah bon. Car c'est ça aussi le génie (l'art du recrutement), et c'est spécialement le jazz comme musique collective ment géniale où (nous y serons encore en septembre 96 si vous y tenez) personne en fin de compte ne peut attri buer plutôt aux sidemen qu'il a choisis qu'au patron qu'ils établissent la responsabilité d'être ensemble gé niaux. La musique
est de Mingus quand même, l'incita tion, l'orientation, la fraise, il n'y a pas une seconde à s'y tromper. (Pourquoi la fraise ? Et pourquoi pas ? C'est la note qu'il fallait à cet en droit, j'écris vite et vague ment free mais parfois assez juste.) L'extraordinaire de Mingus c'est donc qu'il fonce sans pourtant s'arrêter (sic) de se tenir (mais d'une tout autre façon que Duke) au beau milieu. Le pithécan thrope omnivore, rééquili brant sans régime le métabo lisme instable du jazz, assi milant tout avec une boulimie ultra-lucide qui ne le porte ni à la dérision, ni à l'hu mour, mais à une espèce de gaieté. Féroce. Et je reviens alors aux copains, surtout (laissons pour une fois Rich mond qui est de base) Adams et Pullen, splendides mons tres encyclopédiques en folie.
Prenez Pullen : vous devez imaginer un pianiste capable d'être à la fois ou successi vement Keith Jarrett, Bobby Timmons, Champion Jack Dupree, Pullen, et Pullen réalise l'exploit, se démène, se délecte — mais dans un sens Mingus, soit pas pour de la rigolade ou se faire valoir. Et Adams la même chose, en références obliques (fausses ou faussées, mais là encore sans intention de perversion ou de salutations distinguées) à Chew Berry, Arnett Cobb, Archie Shepp. En fait : intraduisible. Du Mingus pur. A lire dans le texte. (7/6) J.R. (Jacques Réda)
JAZZ MAGAZINE N°238 Nov. 1975

Commentaire de LE JAZZ EST LA :

Si le nom de Charlie Mingus est bien sûr ts connu, il n’est pas sûr que toute son œuvre le soit, ne serait-ce que par son étendue. Des musiciens savent encore aujourdhui lui rendre hommage en interptant certaines de ses multiples compositions. Il a vé le talent de nombreux musiciens dont il s’entourait. Avec les deux albums sélectionnés ici, enregists en
1974, cinq ans avant sa disparition le 5 janvier, c’est le nom de deux musiciens que nous avons souhaité mettre en avant , pour aussi leur rendre hommage, ayant également tous deux disparus : Don Pullen au piano et George Adams au saxophone ténor dont Mingus avait choisi la collaboration. Ils continueront leur voie, longtemps ensemble, avec toujours le fidèle Dannie Richmond. Lun et l’autre ont une discographie remarquable, très influene par la route ouverte par la nouvelle génération des années70/80. Ils ont sans doute beaucoup appris chez Mingus !

Jacques Réda qui signe la critique fut chroniqueur à Jazz Magazine dès 1963. Signalons deux ouvrages : « LImproviste, une lecture du jazz » Gallimard coll. Le Chemin 1980 et

« Anthologie des musiciens de jazz » Stock 1981.





Charlie Haden







Commentaire de Le Jazz Est Là :
C’est ici un album historique qu’on ne saurait oublier. Charlie Haden qui fut de nombreuses années dans le célèbre quartet d’Ornette Coleman aux côtés de Don Cherry et Ed Blackwell, regroupe ici des musiciens tous acteurs d’une musique créative, déjà admirés par les amateurs de l’époque et qui prirent tous une place prédominante dans les années qui suivirent. Il suffit d’examiner la liste des participants : on y trouve les regrettés Don Cherry, Dewey Redman (père de Joshua Redman), Paul Motian récemment disparu et pour lequel les hommages se multiplient, Roswell Rudd compagnon de route d’Archie Shepp et de John Tchicai, Andrew Cyrille dont le talent atteint des sommets aux côtés de Cecil Taylor (Nuits de la Fondation Maeght) et (ne pouvant tous les citer) Carla Bley à l’origine de plusieurs arrangements et dont on connaît l’itinéraire exceptionnel. Il y eut par la suite d’autres formules du Libération Orchestra, mais celle-ci, imprégnée de l’atmosphère de l’époque (1970) marquée par de nombreux combats au niveau international pour l’aspiration à un monde libre et débarrassé des puissances dominantes et oppressantes, est particulièrement marquante et émouvante.


Mal Waldron et Steve Lacy




waldron / lacy

Mal Waldron quintet with Steve Lacy - One Upmanship:

One Upmanship / The seagulls of Kristiansund / Hurray for Flerbie.

Manfred Schoof (tp), Lacy (ss), Waldron (p), Jimmy Woode (b), Makaya
Ntshoko (dm).

Enja 2092 (importation Soul Posters)

Celui-là, je vous le dis tout net : vous ne pouvez pas vous permettre de le

laisser passer. Le quintet réuni pour la circonstance par le pianiste se présente

comme une sorte de «super-groupe », puis­qu'à l'exception de Jimmy Woode

chacun des musiciens ici présents est leader d'une formation notoire. Cela ne

les empêche nullement d'entrer de plain-pied dans l'univers si caractéristique

de Waldron, mais délicatement, discrètement, comme pour ajouter une petite

ciselure à l'ensemble de l'édifice que construit patiemment le compositeur. Ce

qui pour l'auditeur se traduit par un grand plaisir : celui d'entendre dans un

contexte un peu inhabituel Steve Lacy bien sûr mais aussi Manfred Schoof.

Quand je pense que l’on a coutume de qualifier de « sèche» la musique de Mal

Waldron. Exi­geante certes, sèche, sûrement pas. D'autant que jusqu'à la

moelle elle est imprégnée de blues. Vous avez déjà entendu du blues sec

vous? Si c'est le cas, faut consulter Barnard d'urgence. Vous avez un paquet

de lentilles à la place du cœur. Ecoutez donc attentivement The Seagulls of

Kristiansund. C'est une des plus belles choses que j'aie entendues depuis bien

longtemps. Depuis le Black and Crazy Blues de Roland Kirk très exactement.

Et le solo que prend Lacy! Une merveille je vous dis. - S.L . (Serge Loupien)

JAZZ MAGAZINE N°263/mars-avril 1978


:
Commentaire de Le Jazz Est Là 

Le magnifique thème «The Seagulls of

Kristiansund» a été enregistré de nombreuses fois par Mal Waldron. Signalons

l’album en quintet «Live at The Village Vanguard avec Woody Shaw, Charlie

Rouse, Reggie Workman et Ed Blackwell et peu de temps avant sa disparition

(en 2002) : “One More Time” principalement en duo avec Jean-Jacques Avenel

et Steve Lacy sur quelques titres. Exceptionnel










Hal Singer